L'après Rag Na ROCK

L'après Rag-Na-ROCK


                                                       
                                                          ESPACE GRIP 0





Batiskaf se releva de ce charnier géant que les contes mékanistikes appelleraient plus tard le Rag-Na-ROCK, et regarda autour de lui pour constater l'ampleur du massacre, ayant opposé les kommandos pilotes aux kroisés du gouvernement. L'odeur de cadavre était insoutenable et d'où il était il ne voyait que chair torturée et corps démembrés, dégueulant tripes et boyaux par des orifices plus ou moins naturel. Il réussi à extraire sa kréature métallo de dessous un amas de viande encore chaud,  tentant désespérément de rester accroché à un bout de squelette mi-humain, mi-cybernétique, et la bascula pour que ses grips reprennent contact avec le sol bileux et sanglant. Il enclencha le système de débridage des pisto-poumons, et réveilla la bestiole de métal en mettant un puissant coup de jarret sur la pédale de lancement du vilebrequin. Une terrible douleur se fit sentir dans sa cuisse et il se rendit compte que sa karap'race était ouverte sur une profonde plaie et que le sang coulait abondamment. Pour stopper l'hémorragie, il vida l'air de sa tenue de combat au niveau de sa jambe et il sentit les billes en thermo-plasty se resserrer les unes aux autres pour finalement comprimer parfaitement l'endroit voulu. Il referma la canule d'aspiration et un décompte digital s'afficha sur la visière de son heaume pour lui indiquer l'échéance au-delà de laquelle il n'échapperait pas à l'amputation, malgré la distillation des anti-toxiques.
Il ne put éviter de rouler sur les corps amoncelés pour s'extraire du champ de bataille et tenter de trouver des frères d'armes rescapés, mais après avoir lancé le signal aux balises de brêlage équipant chaque kommando , il ne reçut aucune réponse et dut se résigner à quitter ce cimetière à ciel ouvert, où pendant sept jours et sept nuits, tout n'avait été que bruit et fureur, résultat du labeur incessant des lance-grenades, fruits indigestes que les kroisés leur avaient forcé de bouffer jusqu'à l'indigestion à voir la quantité de tripes vomit par ses compagnons dans la tranchée. Des sifflements et des tac-tac-tac, métal contre métal, percuteurs devenus fou et frappé de satyriasis à force de mettre des coups de boutoirs dans l'arrière train de bastos plus chaudes les unes que les autres, avaient tués le silence à des centaines d'espace grips à la ronde pendant une semaine. Un véritable péplum porn'holographique d'armes à feu avides de sang et de viande, copulation morbide de poudre noire donnant la petite mort. Sans parler de ces bouches à feu, imposant anus artificiel crachant leurs suppositoires par des sphincters aux parois de métal, guérissant instantanément chaque homme à sa portée de cette maladie que nous appelons communément la vie. Une gigantesque partouze assassine décuplant l'instinct de mort apportant l'orgasme chez les fous de guerre, provoquant l'éjaculation balistique et le maniement frénétique du glaive phallique. Aucun enseignement à la skool n'aurait pu préparer Batiskaf à la guerre, la vraie, qui métamorphose les hommes même les plus sages, pour faire d'eux des animaux enragés, les poussant à piller le corps de leurs frères ou se cacher sous celui d'un ennemi pour échapper à un coup fatal. Pendant ces sept jours, il avait même vu une kartografe se faire violer par trois kroisés en se faisant passer pour morte alors que lui et son escouade s'étaient retirés dans les tranchées. Ils avaient fini par la décapiter et empaler sa tête déformée par la douleur et la honte, sur le sissy bar d'une de leur monture. Il n'oublierait jamais son regard de dégoût qu'elle lui avait adressé juste avant de mourir. Un regard aussi profond que cette honte qu'il ne cesserait de porter au fond de son ventre jusqu'à sa mort.

Il avait voulu la secourir, mais ses frères kommandos l'en avaient dissuadé, lui disant qu'il valait mieux perdre une femme kartografe, plutôt qu'une escouade de valeureux guerriers qui tentaient de récupérer des forces pour l'assaut final. Cet assaut tant attendu avait été loin d'être valeureux et si déterminant que cela, à en voir le résultat . Bien malin aurait été le mékan'historien capable d'attribuer la victoire à l'un ou à l'autre à cette heure-ci, tant la confusion était grande.

Le kommando pilote dut se rendre à l'évidence qu'il n'avait d'autre choix que de prendre la kroute sauvage seul alors qu'il regardait cette longue langue grise qui se déroulait tel un tapis d'asphalte à quelques espace grips au Nos-Nosistres. Ce ruban de bitume dont il avait entendu parler à la skool alors qu'il était élève, et qu'il n'avait jamais emprunté, tant ce que l'on en racontait inquiétait plus qu'un kombat au saigneur face à un adversaire expérimenté. Il regarda une dernière fois la détection balise clipsée à gauche de son brêlage et ne vit aucune diode signalant un signe de vie sur le tertre funéraire derrière  lui. Il inspecta sa monture pour s'assurer qu'aucun organe métallo était défaillant ou dans l'incapacité de jouer son rôle et alla récupérer quatre jerricans de carburant-pétrole dans la carcasse du camion blindé de ravitaillement qui avait été une des première cible de leurs adversaires dans le but d'affamer leurs bestioles métallo et de leur faire cesser le combat, mais les injecteurs-proportionneurs et les coques dorsales à grande contenance avaient fait leurs preuves et la consommation était restée faible malgré la grande sollicitation des machines et l'approvisionnement n'avait pas été nécessaire, déjouant au moins ce plan de bataille des kroisés. Il les harnacha fermement à l'avant et à l'arrière, lança sa jambe douloureuse par-dessus la selle et attrapa fermement les poignées en cuir tressés du guidon jusqu'à en faire blanchir ses phalanges comme pour se donner du courage, et prit la kroute en baissant sa visière qui continuait de lui afficher le décompte pour son garrot.



Derrière lui, sous les corps amoncelés, une main ensanglantée saisit un bout d'exosquelette d'une kréature métallo mutilée. L'homme auquel il appartenait réussit à s'extraire péniblement pour regarder s'éloigner Batiskaf. Il saisit la balise qui clignotait sur le reste du buste du kommando qui était allongé à ses côtés et appuya sur le bouton « localisation déplacement ».  Il connecta son plug dans un ultime effort et le verrouilla sur « réception ». Il avait accompli sa mission. A présent il pouvait se laisser mourir.

ESPACE GRIP UN



L'horizon défilait sous ses optiks protégés par un écran anti ultra violet intégré à la visière. La température était déjà très élevée à cette heure-ci. Le gris du ciel lui faisait penser à cet écran de vieux téléviseur bombé et hors d'âge qui traînait dans l'ékurie de la Skool, dans un box appartenant à un ancien élève. Sur les deux côtés de la longue langue grise d'asphalte craquelée se déroulait un décor cauchemardesque, fait de carcasses d'indivikar abandonnées, d'auto-motels détruits et de temple de carburant-pétroles que les anciens appelaient jadis station-service, symbolisant la guerre que Planète Immaculée avait déclarée à toute énergie fossile et à ses représentants. Batiskaf reconnu les emblèmes publicitaires des raffineries sur les bâtiments à l'abandon. Ces dernières étaient devenues au fil du temps des blasons portés par certains pilotes opposés à la politique écolo-totalitaire du dirigeant Green Karl. Ainsi, le chien à six pattes crachant du feu, la coquille saint Jacques ou l'étoile rouge de la Texas Company étaient souvent affichées sur les karap'race lors des courses de performance énergétiques par les kommandos, en signe de protestation. Celle qui avait eu le plus du succès était la coquille Saint Jacques, surtout après qu'un pilote est transformé le nom de la raffinerie originale en enlevant la première lettre et qui la rebaptisa   HELL.  Le gouvernement excédé par tous ses agissements, finit par lancer ses troupes  de kroisés et d'anciens pilotes des écuries d'état sur la skool mékanistik et sur la koncentra nostra où se réunissaient chaque année la grande majorité des membres de la communauté, avec les groupes satellites sympathisants. Le jeune Kommando Pïlote avait tout juste eu le temps de participer à une course après sa sortie de l'école, avec sa kréature métallo qu'il avait apprit à connaître pendant sa formation, et à venir fêter son baptême du feu avec ses frères. Après une noktaë à festoyer et connaître l'amour charnel avec trois make-love, il était sorti de la yourte et avait vu fondre sur le campement de la Koncentra l'armée  de Planète Immaculée. Il se rendit compte très tôt que l'enseignement du kombat à la skool n'avait rien à voir avec celui des champs de bataille, ne laissant aucun répit au corps et à l'esprit. Voye, son maître, s'était fait décapiter sous ses yeux, alors qu'il sortait de son tipi de guetteur, son saigneur à la main sans avoir prit le temps d'enfiler ses pantalons de cuir de mostro. Le premier jour, les pertes avaient été importantes dans leur rang, mais le sang du guerrier avait fini par gonfler leurs veines et leurs artères afin de faire circuler le désir de vaincre dans chacun de leurs organes et leurs opposants avaient connus le goût de ce fruit jusqu'à la lie.

Sa monture avait souffert lors du combat, et il sentait que ses membres inférieurs avaient du mal à suivre la trajectoire imposée. Il devrait s'occuper d'elle rapidement, car le Symbio ne fonctionnait plus, ce qui les mettait en danger tous les deux.  Cela devait faire deux makronoss qu'il traçait . L'aiguille du bouchon-boussole de sa coque dorsale lui indiquait l'Ousitres. L'endroit où avait été battit la skool originelle, au pied du mont Ararat. Il savait qu'il n'y trouverait plus qu'un tas de ruine, mais il n'avait pas d'autre endroit où aller, et il espérait tôt ou tard croiser la route d'autres pilotes de cette nouvelle diaspora.Avec les vibrations dues aux imperfections du revêtement, il vit que les cliquets des sangles retenant les jerrycans commençaient à se desserrer. C'est la première fois qu'il posait ses grips ici, mais il avait entendu parler de ces lieus remplis d'embuskeurs dans la taverne souterraine de la skool, lorsque d'anciens pilotes venaient leur parler du monde hostile de l'extérieur, et il savait  que malgré l'absence de mouvement et de signe de vie, il ne fallait pas s'arrêter ici. Pourtant, la tentation était grande de stopper sa monture sous le préau d'une de ces ancienne station où, pour sûr, il trouverait des outils, même en piètre état. Il lâcha une main du guidon et tenta de retendre la sangle avant à l'aide de la bride. Sa nuque le lançait et la douleur lui troubla la vue et il ne se rendit pas compte qu'à cet endroit le sable avait recouvert une partie de la kroute. Le profil de son grip était prévu pour le contact de l'asphalte et non pas pour celui brûlant et fuyant de la sournoise silice et il se retrouva étouffé par cette dernière, bouchant toutes ses pores de réglissol, l'étouffant complètement. Les membres supérieurs de la bestiole de métal se dérobèrent sous l'absence total d'adhérence, l'entraînant dans une courte glissade, la faisant chuter lourdement sur le côté gauche. Le pilote anticipa la chute et contracta ses muscles, sa karap'race faisant le reste en remplissant les protections d'articulations de siliconium. Les jerrycans permirent à Batiskaf de ne pas se faire broyer la jambe par sa monture lourde comme un cheval mort. L'ayant mise en configuration de combat pendant la bataille, et basculant la totalité des commandements mécanique sur la droite pour pouvoir tenir son saigneur pendant les affrontements, il se rendit compte à cet instant qu'il n'avait plus aucune sensation dans son membre inférieur gauche. Le garrot était en train d'accomplir son funeste travail, et c'est lorsqu'il sentit cette odeur de chair brûlée oh combien familière qu'il comprit que ce dernier était écrasé sous les cuisantes orgues d'échappement. Il tira de toutes ses forces sur sa karap'race, mais rien ne vint .La noktaë commençait à tomber et il ne voulait pas la passer coincé ici, d'autant plus que d'étranges bruits provenaient de l'autre côté des dunes un peu plus loin, laissant penser que des embuskeurs et autres populations réputées cannibales dans ces contrées se préparaient à partir en chasse de gibier et d'organes métallo à dépouiller. En cherchant son sabre courbe de la main, il attrapa la garde et vit que la lame avait été brisée sous le choc en restant coincée sous la coque dorsale d'alumite contenant le précieux carburant pétrole, qui se déversait à présent sur la kroute. Il savait qu'il ne pouvait pas appeler à l'aide car cela ne ferait que précipiter sa perte .Il se rappela de l'enseignement de Tamaha Gane, le maître d'armes de la skool et prit la décision de condamner sa jambe plutôt que de mourir en victime sans sabre à la main. Il saisit la sangle « pyro » dans l'intérieur de sa combinaison, et l'attacha juste au-dessus de la plaie .Il savait qu'au moment où il libérerait le cran de sûreté et qu'il appuierait sur le détonateur, sa jambe gauche se séparerait de façon définitive du reste de son corps. Il pensa à cet instant à « jambe de buis », un vieux kommando pilote qui, bien après son amputation avait continué de gagner des courses, et il se rassura en se disant que sa vie ne s'arrêterait pas là. De toutes les façons, son membre était  bel et bien condamné car le décompte sur la visière de son heaume signalait que l'amputation était inévitable en l'absence d'anti-toxiques. Il ferma les yeux, tint fermement le détonateur, et, au moment d' abaisser son pouce, il sentit des mains glisser sous ses aisselles.

Il se débattit mais l'homme  le tenait fermement à présent. Il avait calé le menton contre sa nuque,et il exerçait  une forte pression avec les coudes au niveau de ses côtes, l'immobilisant complètement. Le type n'était pas de toute jeunesse à en croire sa respiration sifflante et une forte odeur de tabakannabis vint chatouiller les narines du pilote lorsqu'il s'adressa à lui, alors qu'il savait que cette plante ne se trouvaient plus depuis bien longtemps:
-Par les couilles du Grand Architekte, mais t'es aussi lourd qu'un tank! Grommela l'ancien. Si tu veux sortir vivant d'ici, va falloir me faire confiance et m'aider gamin, car sinon, on est condamné tous les deux. Tiens, passes ton bras autour de mon cou, on va aller jusque là-bas! Dit-il en montrant une station service qui arborait le blason de la British Petroleum au bout d'un mât en alumite rongé par les vents noir provenant des centrales nuCLEAR
Batiskaf n'avait pas le choix et sautilla au côté de cet homme en qui il n'avait aucune confiance mais qui pour l'instant était sa seule planche flottante dans cet océan hostile qui avait décimé sans aucune pitié le navire de sa vie passée. Les deux hommes s'appuyèrent lourdement sur le mur du petit bâtiment recouvert de plaques de métal rouillées. Le jeune pilote ne tenait plus sur sa seule jambe valide et se laissa glisser contre la paroi verticale. La noktaë n'allait pas tarder à dresser sa nappe d'étoiles et de voies lactées, car Batiskaf sentait la température descendre. Le vent noir avait lavé le ciel de cet épais rideau gris pour laisser pour la première  fois de la journée le Grand Scintillant prendre possession des nues.

Batiskaf n’était à présent que le spectateur des événements qui se déroulaient et il ne fit pas le moindre geste de protestation, lorsque le vieillard s'accroupit douloureusement face à lui, en injuriant tous les dieux de la création de lui avoir fait dons d'articulations encore plus usées que celle d'une kréature pré-mékanistike. Ce dernier écarta la karap'race à l'endroit de la blessure et de la chair brûlée. L'odeur qui était écoeurante sembla pourtant donner faim au vieil homme qui eut l'air de trouver la viande grillée à son goût:
-Hmmm! On en mangerait! Mais, ce n'est pas le moment de festoyer, mais de sauver ta jambe, et ça devient urgent. Dit-il en scrutant les alentours avec un air anxieux.
-Ma...kréature...Elle ne peut pas rester là-bas, prononça péniblement le kommando qui était au bord de la syncope
-Oui! En plus, elle risquerait d'attirer la curiosité des embuskeurs.
L'homme sortit une canne télescopique de la poche intérieure de sa veste en cuir élimée , s'appuya dessus et pressa le bouton pour se relever sans difficulté. Il se dirigea vers la monture de Batiskaf, choisit un endroit stratégique de l'exosquelette, écrasa la soupape de décompression pour rétracter la canne, régla sa vis de dureté et fit de même pour la carcasse de métal pour la remettre sur ses grips. Il saisit fermement les poignées du guideur et la fit rouler jusque dans la bâtisse abritant un atelier mécanique à l'abandon, avant de revenir chercher le pilote.

Alors que le pilote se faisait traîner à l'intérieur de l'atelier de cette ancienne station comme un vulgaire sac de farine, il repensa à Voye, son mentor, et se dit que s'il le regardait du Walhalla, il lui renvoyait une bien piètre image de lui. Le vieillard lui demanda de s'appuyer sur le mur recouvert de faïence à petits carreaux blancs et verts reproduisant le blason de la raffinerie et qui était maculée de poussière huileuse. Face à lui se trouvait un pont de levage pour IndiviKar. Le vieil homme saisit une commande en caoutchouc noir sur fond jaune, reliée au mécanisme par un flexible torsadé. Il appuya sur deux gros boutons en même temps et le pont se leva, donnant accès à la fosse de vidange qui était étonnement propre. Batiskaf aperçut les grips de sa monture sous une lourde bâche grise qui la recouvrait et qui était proche de l'établi. Les outils étaient rangés méthodiquement et aucun ne manquait dans les emplacements où le contour de chacun d'eux avait été minutieusement tracé au stylo feutre. Son hôte s'empressa de baisser le rideau de fer et l'endroit fût plongé dans une profonde obscurité. Le pilote entendit une main qui tâtonnait et reconnut le bruit spécifique des interrupteurs en plastique grossier qui se trouvait à l'entrée de chaque ARTelier de la skool et un néon au starter fatigué finit par remplir la pièce d'une lumière artificielle.

Le groupe électrogène sur silent block était des plus silencieux, et de dehors, personne ne pouvait se douter qu'il tournait à plein régime dans la petite remise attenante à la station. Son secret résidait dans sa fabrication en caoutchouc gomme à haute résistance à la déformation et à la température, fruit du savoir des chamanes mékanists d'un village de statiques, aux abords de Sentinel Island qui avaient développés l'usage des différentes résines des arbres mutants qui poussaient dans leurs contrées. Ainsi, personne alentour ne pouvait se douter qu'il y avait du mouvement dans le bâtiment, cependant, la prudence était mère de sûreté et le vieillard avait préféré aménager une cuve de fuel souterraine dégazée et dont l'accès se faisait à présent par la fosse. Le tunnel devait être l'oeuvre d'un survivaliste, peut-être même de l'ancien propriétaire de l'endroit. Wyatt ne s'était pas préoccupé de ce genre de choses lorsqu'il avait trouvé cette bâtisse . Ce qui l'avait le plus intéressé fut les outils et surtout, les cuves de carburant-pétrole qui contenaient encore pas mal d'or noir. Il s'étonna même lors de la première nuit où il squatta le lieux de ne pas subir l'assaut de vagabonds et de hot rôdeurs. Il découvrit les nombreuses cachettes et passages souterrain au fil du temps, et, ce qui devait être une simple halte lors de sa trace, se transforma en sédentarisation. Le jeune pilote avait cédé à l'invitation de  Morphée et le vieillard craignait que ce ne soit que les prémices d'un voyage jusqu'au royaume d'Hadès. Il savait qu'il fallait rapidement s'occuper de sa vilaine blessure, mais si il n'arrivait pas à le faire descendre à l'abris , tous ses efforts auraient été vain. Il attrapa le palan et glissa le crochet dans l'épais brelage du kommando, puis il fit glisser la chaîne dans ses mains arthritique. Le passage était étroit au niveau du hublot et Wyatt dû lâcher une main pour pousser la chaîne afin que les pieds du  pilote se trouva au dessus de l'orifice. Le vieillard ne s'était jamais expliqué l'emplacement sordide de cette cuve placée sous la fosse. Il tenu bon le plus longtemps possible mais malgré la démultiplication, il ne pût retenir le corps du molosse qui alla s'écraser sur le plancher métallique de la cuve trois mètres plus bas.

Le choc violent sorti Batiskaf de sa léthargie. La douleur était présente à tous les étages maintenant et il maudissait ce type qui était en train de descendre pour le rejoindre. Il ne le quittait pas des yeux car une profonde angoisse l'envahissait. Il n'avait jamais été très à l'aise dans les lieux clos et encore moins dans celui-là. Le vieillard se planta devant lui après l' avoir enjambé  en bas de l'echelle sans lui demander quoi que ce soit. Il plongea sa main à présent gantée dans une besace en cuir de forme oblongue, et il en sortit  un gigantesque mille pattes de couleur marron, avec une épaisse carapace:
-Laisses toi faire gamin! Je sais, tu ne me connais pas,mais tu dois me faire confiance et  aussi bizarre que cela puisse être, Scallopendre ici présent va sauver ta jambe!
Le vieillard déposa l'insecte immonde d'une quarantaine de centimètre, sur la plaie béante du pilote. Les crochets au bout de ses pattes se plantèrent dans sa chair et  lui arrachèrent un hurlement fiévreux. Son hôte s'empressa de plaquer sa main gantée sur sa bouche pour étouffer son cri. Le scolopendre commença à se gorger de sang et à changer de couleur, laissant apparaître sur sa carapace dorsale un  dessin d'une étrange beauté aux reflets multicolores semblable à du pin stripping. Wyatt retira le heaume du pilote et regarda le compteur  digital qui était à présent revenu à zéro. Il dépressurisa la cuisse de Batiskaf qui fit un geste pour l'en empêcher:
-Non! Que faites-vous?!?
-Ta jambe est sauvée à présent. Tu n'as plus de toxines accumulées.C'est pas demain que tu remontera sur ta bestiole, mais tu échappes à l'amputation
Le mille pattes était à présent gonflé comme une chambre à air et ses crochets s'étaient rétractés. Le vieil homme le remit dans sa besace avec la même précaution qu'une nourrice aurait déposé dans son couffin un enfant repus après une longue tétée.
Batiskaf eut tout juste le temps de voir les squelettes humains amoncelés au sol et d'entendre d'horribles hurlements à la surface et il retomba dans un profond sommeil, comme s'il avait été drogué.

Wyatt se frotta les mains, remonta ses manches. Il se dirigea vers le fond de la cuve et saisi deux cimeterres sur un meuble en bois laqué sur lequel était peint des scènes martiales de l'ère Kawasashi. Il frotta leurs lames l'une contre l'autre et dit comme à lui même:
-Maintenant, à table!

Wyatt sortit de la cuve, saisit la télécommande et remonta le pont élévateur à moitié sur lequel se trouvait une Porsche 550 spyder version buenos aires. Sa présence était aussi surprenante que l'aurait pu être ceux des ossements d'une kréature métallo sur une des lunes de Mekatoïne, pourtant, cela n'avait pas empêché le vieillard de la bourrer d'explosifs pour la faire sauter si le moindre embuskeur ou kourseur avait pénétré l'enceinte. Car il préférait crever avec des éclats de tôles  un peu partout dans le corps que de se faire enlever et dépecer vivant par ces anthropophages, qui aujourd'hui n'avaient plus rien à voir avec l'espèce humaine. Il avait eu la funeste occasion d'assister à un de leur banquet , et ces sales fils de pute avaient bouffé son pote de trace Billy. Celui qui avait prit la Kroute à ses côtés sans jamais lui poser de questions. Malheureusement pour eux deux, leur périple les avait conduit trop loin dans les steppes de l'Oural où -ils l'apprirent trop tard- cette demi-race de lépreux roulant sévissait et traquait la moindre peau tendre. Jugé trop maigre pour honorer le repas, il avait servi d'esclave et de choses bien plus horribles les noktaë où on le forçait à porter les repas aux guetteurs du bord de kroute . Un soir, l'un de ces dégénérés lui avait demandé de rejoindre le chef de clan dans sa yourte. Ce dernier l'attendait, à moitié à poil dans sa couche puante maculée de sang et de vin lui faisant signe de le rejoindre. C'est ce soir là qu' il avait vu où avait été cachée sa monture qu'il croyait détruite lors de l'assaut qu'ils avaient subi avec Billy. Elle reposait sur un épais tapis persan, comme s'il avait sagit d'un trophée de guerre. Wyatt ressentit de la joie pour la première fois depuis qu'il était dans ce sordide campement , car quelqu'un semblait en avoir pris le plus grand soin , ce qui se voyait à la surface immaculée du tapis, à la brillance des chromes et à la graisse qui faisait luire la gigantesque selle. C'est ce soir là qu'il trouva la force de décapiter le chef de clan avec ses propres cimeterres et de prendre la fuite au guidon de Captain America, sa fidèle monture.

Et c'était avec ces deux mêmes cimeterres qu'il continuait chaque noktaë de scintilune noire à crever un de ces fils de chienne. Ce n'est pas ce qu'il manquait  car mois après mois le cheptel ne cessait d'augmenter, des prisonniers ou de nouveaux malades chassés des delta-products venant grossir les rangs des camps postés en bord de kroute. Ces énergumènes étaient, par manque de carburant-pétrole, devenus sédentaires et le cannibalisme était à présent une évidence, car les konvois transportant de la nourriture se faisaient de plus en plus rare ou étaient protégés jusqu'aux dents par d'anciens kommandos pilotes. Ainsi, ils s'étaient rabattus sur les "peaux tendres" comme ils les appelaient, des doux rêveurs ayant quittés les consocités pour découvrir le monde de l'autre côté des barrières sécurisées, ou de simples hors-castes, des sortes de Ronin d'un autre temps, ayant perdu tout but et tout espoir. Et c'est ce qu'ils étaient à cette époque, lui et Billy, des hors-castes. Seuls les ékailleurs n'étaient jamais inquiétés par ces monstres du bord de kroute, car ils en avaient peur et craignaient de s'attirer la colère de dieu Snake si il arrivait malheur à un de ses enfants par leur faute. Leurs femmes étaient aussi laides que les hommes et les enfants, lorsqu'il y en avait, finissaient par choper toutes sorte de maladies. C'est d'ailleurs ce qui sauvaient leur carcasses meurtries de finir dans les gamelles, car les camps des embuskeurs étaient un concentré de toutes les maladies existantes sur le globe, mais ils continuaient malgré tout de la craindre, car avec le temps, l'organisme des plus robustes d'entre eux s'était auto-immunisé et c'est ces derniers que le vieillard chassait à présent.

Wyatt déverrouilla la porte cylindrique qui se trouvait sur la paroi opposée de la fosse, à l'aide du volant en alumite commandant les huit clenches afin d'accéder au pipeline souterrain. Sa présence fit partie de ses nombreux questionnements quand il le découvrit, surtout lorsqu'il se rendit compte qu'il ne servait pas à transporter une quelconque marchandise, mais bien de tunnel secret permettant de franchir une dizaine d'espace-grip en toute invisibilité de la surface, pour déboucher dans un des troncs de baobambou à proximité des lignes électriques protégeant les centrales de Dniepriev. Sa hauteur permettait de s'y tenir debout et le tunnel était équipé d'un monorail de fortune sur lequel était fixé les mâchoires d'une étrange monture à deux roues métalliques, dans lesquelles se trouvaient des roto-alternateurs qui lui fournissaient du courant et lui permettait d'avancer et de reculer. A intervalle régulier avaient été placé des phares de voitures  qui s'allumaient  à son passage. L'ancien occupant des lieux avait tout prévu, sauf son arrêt cardiaque qui l'avait foudroyé lors d'une énième traversée. C'est ainsi que Wyatt avait fait sa connaissance, ou du moins celle de son squelette, lorsqu'il avait découvert le pipeline et la monture à l'abandon.

Il ne mit pas longtemps à remettre en état la machine, ni même à savoir ce qu'il allait en faire, ainsi il put sortir de l'ancienne station service sans être vu de personne et surtout pas des embuskeurs qu'il pouvait  observer et  traquer afin de repérer les sujets auto-immunisé  pouvant être mangé sans risque de crever le lendemain de leurs maladies dont eux seuls pouvaient survivre  . Ce qui fut au départ une vengeance devint au fil du temps un jeu et Wyatt pris de plus en plus de plaisir à égorger ces rejetons des enfers dans la nuit noire. Sa maladie de peau le força à vivre comme une taupe des sables et la proximité de la centrale n'arrangea pas sa condition, cependant il en tira un avantage certain  , celui de ne plus dégager aucune odeur corporel qui lui permettait d'approcher au plus près le campement sans être repéré par les renifleurs, ces veilleurs à l'odorat sur-développé.
Il avait aussi découvert un potager expérimental à l'abandon aux abords des grillages électrique, où poussaient des fruits et légumes mutant , dont l'irrigation se faisait par un mince filet d'eau sortant d'un tube en plastinium. Au vue de leur grosseur et de leur aspect, le vieillard comprit assez vite que cette eau venait du bassin de refroidissement des sources radioactives , mais il se savait de toute façon condamné et ces fruits et légumes avaient vraiment un goût incroyable, certains étant un drôle de mélange de fraise et de pomme ou de tomate et de banane. Il leur donna même un nom et continua de s'occuper de ce potager, comme, il le supposa, l'ancien propriétaire du garage.

Scintilune était particulièrement noire ce soir, mais ses yeux étaient habitués à l'obscurité. Dans le sous sol de la station,  il avait éclairé la cuve car il avait un invité, sinon, il n'allumait quasiment jamais. Les embuskeurs ne se déplaçaient plus depuis longtemps et il était facile de comprendre  leurs habitudes,encore plus pour lui qui avait été un prisonnier de cette demi-race, et d'où il était, il avait déjà repéré sa prochaine proie: un homme- si on pu encore les nommer ainsi- à la forte stature et aux bras puissants gonflés de muscles déformés, qui feraient un met de choix pour lui et le jeune kommando. Comme toujours, il se contenterait de le saigner, et de découper juste la quantité de viande nécessaire et il laisserait le reste de la dépouille aux canines des hyènals, un croisement de hyène et de chacal, ainsi, le reste du campement se rendrait compte de la mort d'un de leur membre lorsque l'opportuniste charognard lâcherait son rire immonde signifiant qu'il avait trouvé son dîner. Bien qu'il eut aimer les laisser crever à petit feu, le danger était trop important qu'il alerte les autres. Son gibier s'était éloigné du campement pour rendre visite au prisonnier qui avait été enfermé dans un baril toute la journée. Wyatt ne connaissait que trop bien ce qu'il devait endurer à ce moment là et le sentiment de haine et de dégoût qu'il éprouverait après le passage de l'embuskeur. En y repensant, le vieillard se rappela l'odeur putride qui sortait de la bouche de son bourreau à chacun de ses râles. Wyatt attendit que la montagne de viande sortent le prisonnier épuisé et déshydraté du baril, et qu'il le jette face contre terre. Il savait que ce monstre était porteur sain et qu'il n'était pas transmetteur car les éleveurs, comme ils aimaient s'auto-proclamer, devaient conserver leurs esclaves en bonne santé le plus longtemps possible afin de revendre leurs services